Noël en chambrée, en 1955
Lettre de Noël
d'un appelé du contingent
a ses parents
au temps de l'Algérie.
d'un appelé du contingent
a ses parents
au temps de l'Algérie.
Haguenau, « Noël » 1955
Chers parents,
Demain à dix heures, cela fera une semaine de faite. Ca passe assez vite. Pourvu que ça dure, il en reste en principe soixante-dix-huit. J’espère que pour vous le temps passe aussi. Marc est là jusqu’à demain et quand il vous reviendra, samedi, j’aurai la première des trois piqûres « TABDT » Cela fera trois jours de repos.
Ici, tout le monde a été changé de piaule vendredi pour être regroupé par peloton. Je suis dans le quatrième (il faudra le mettre sur l’adresse) C’est le bachelier étudiant en droit niveau licence qui a fait le tri. Le Lieutenant qui commande le deuxième Escadron lui a dit de prendre par ordre alphabétique tous les tests qu’on a passés à Commercy, de mettre certaines lettres de l’alphabet dans tel peloton, telles autres dans tels autres pelotons… D’après lui, le hasard va répartir parfaitement, dans chaque peloton, les types intelligents et les autres. C’est fou ce que les tests nous apportent … Si Monsieur Jourdain avait su ça : c’est autre chose que la prose cette science là !
Ici, tout le monde a été changé de piaule vendredi pour être regroupé par peloton. Je suis dans le quatrième (il faudra le mettre sur l’adresse) C’est le bachelier étudiant en droit niveau licence qui a fait le tri. Le Lieutenant qui commande le deuxième Escadron lui a dit de prendre par ordre alphabétique tous les tests qu’on a passés à Commercy, de mettre certaines lettres de l’alphabet dans tel peloton, telles autres dans tels autres pelotons… D’après lui, le hasard va répartir parfaitement, dans chaque peloton, les types intelligents et les autres. C’est fou ce que les tests nous apportent … Si Monsieur Jourdain avait su ça : c’est autre chose que la prose cette science là !
On sera à nouveau changé de piaule et de peloton dans deux mois.
Hier soir, on a eu droit au réveillon.
Les fêtes de Noël ont commencé dès dix heures du matin, par la confession. A midi, repas standard, suivi, à dix-huit heures, du deuxième repas normal de toute journée du soldat. A vingt heures, jeux au foyer pour attendre la messe de minuit, suivie du traditionnel repas de réveillon, avec de la dinde et du mousseux.
Je vous dis ça parce que c’était au programme, mais à quatre heures de l’après-midi j’étais au lit avec une angine et de la température que je ne pouvais pas prendre... faute de thermomètre.
Avec les fêtes, je devrai attendre mardi (on est dimanche) pour me faire soigner. Alors je me débrouille. Je me fais des gargarismes à l’Aspro dissout dans l’eau glacée des lavabos. Dans la nuit, j’ai avalé trois Aspro sans eau, les robinets des lavabos avaient gelé. Après ça a été mieux.
Avec les fêtes, je devrai attendre mardi (on est dimanche) pour me faire soigner. Alors je me débrouille. Je me fais des gargarismes à l’Aspro dissout dans l’eau glacée des lavabos. Dans la nuit, j’ai avalé trois Aspro sans eau, les robinets des lavabos avaient gelé. Après ça a été mieux.
Sauf que je n’ai pas pu dormir : il est rentré des gars toute la nuit dans notre chambre, jusqu’à quatre heures du matin. La plupart étaient saouls, ceux qui ne l’étaient pas viraient les dormeurs. Je suis passé au travers, un copain a réussi à leur faire admettre que j’étais malade.
Des anciens aussi sont venus ; nous chanter une mélopée mortuaire, accompagnés d’une cymbale pour le rythme et d’un calot pour la quête. Dans les chambres, dans les couloirs, dans la cour, ça gueulait, chantait faux, beuglait de la musique de cuivre et de batterie sur gamelles.
Ce matin, il n’y a pas eu d’appel, je me suis levé à dix heures. A midi, repas de dimanche : hors-d’œuvre variés, frites et volaille (de la dinde peut-être) plateau de fromages ( !) et une orange. Une ration de vin ordinaire, plus une bouteille de Côtes du Rhône pour quatre. Café, Ninas…
Dommage qu’il ait fallu se « goinfrer » tout ça en moins d’une demi-heure. On est comme des chiots autour d’une même gamelle, on se précipite par peur de manquer.
Le Lieutenant est parti. Le rigollot qui fait office d’Officier pour le remplacer nous fait une crise d’autorité : veste dans le pantalon, pull sous la chemise, cravate, guêtres et tour de cou (une sorte de chaussette coupée aux deux bouts). On se croirait au goulag !
Autre chose : dimanche, quand on est arrivés à Vitry-le François, Kavinski a demandé à quelle heure partait le train pour Verdun. On lui a répondu qu’il partirait à sept heures, par Chalons. La gare de Piney lui avait bien dit qu’il fallait passer par Chalons, mais il s’est senti si seul qu’il a préféré venir avec nous. A l’heure qu’il est, on pense qu’il a quand même du finir par arriver…
Un dernier mot : j’ai été obligé de jeter les poires : le jus dégoulinait de partout. Il faudra privilégier les pommes.
Pour l’instant, ça va, je n'ai besoin de rien
Bons baisers
Pour l’instant, ça va, je n'ai besoin de rien
Bons baisers