Suite d'automne au verger
Le coin des scoubidous
"Des pommes, des poires et des scoubidous whoua... " disait la chanson.
Ici ça commence bien, sauf que mon coing a pris le coin qui était réservé aux scoubidous : "Fausse note !" affirme coing-coin le canard...
Poires Conférence, choisies par notre Julien de six ans.
Il m'avait également fait planter, outre ses quatre pommiers, un William rouge et un cerisier Burlat.
Pas d'autres fruits à noyau : prunes, pêches ou abricot. Pour les pêches et abricots, c'est moi qui l'ai retenu : des arbrustes fragiles en nos régions !
Les poiriers n'ont pas aimé ma terre. Je n'en avais pas d'autre : ils se sont vus perdus après être surpris.
Le Conférence consciencieux termine ici ses derniers maigres fruits, en peaufinant son testament. Il ne devrait guère passer l'hiver.
L'hiver dernier, s'est le tronc du William qui s'est convulsionné dans les flammes de l'insert, comme un hérétique l'aurait pu faire dans celles de l'enfer.
Ici, ce sont mes "Reines des Reinettes". Un arbre né dans la région, planté dans notre verger dans les années 60.
Le seul de mes pommiers qui ait gardé un nom commun. Probablement conçu comme les autres par un pépinièriste, mais un si ancien monsieur que le nom qu'il lui a donné est aujourd'hui dans le domaine public.
Comme "éclair" pour les fermetures et "frigidaire" pour les meubles à froid.
De 1939 à 1945, j'ai vécu chez mes parents, de mes cinq à dix ans, mes années de la guerre et de l'occupation qui s'en est suivie. Pour se nourrir et s'habiller, on n'entrait dans la queue des trottoirs que si l'on avait des tickets.
Nous, on entrait au jardin, au champ et au verger. On cueillait le lapin au clapier , les oeufs au poulailler et le vin à la treille. On avait même une soue pour transformer les restes en lard, boudin et grillades...
Pour nos desserts, un large assortiement de fruitiers vivait à l'aise dans notre verger. Surtout des pommiers.
Des Locards. Si vertes et amères qu'on les gardait pour manger en dernier.
Les Transparentes de Croncel, toutes blondes et douces en fin d'été. Qui ne se gardaient guère : une tache brune apparaissait sur la peau, le fruit tout entier était en pouriture à l'intèrieur.
La Reinette grise, à la peau de crapaud. Chair doucereuse, pas bien juteuse et de conservation moyenne.
Et les pommes de l'été : la petite pomme d'Api rouge, à croquer sous l'arbre sans se soucier des asticots : ("pomme de reinette et pomme d'api, tapis tapis rouge, pomme de reinette et pomme d'api, tapis tapis gris..." Qui me redirait les paroles oubliées...?).
La pomme de moisson, jaune fade. Sitôt mure sitôt fade et tout de suite farineuse.
Et ma Rambourg préférée. Celle de septembre dont je n'ai jamais retrouvé le juteux. Qui donnait à boire un gorgeon de cidre doux à chaque éclat qu'on arrachait au fruit...! Une pomme croquante, d'un croquant facile. Sans trop de résistance sous la dent de lait, sans dureté excessive aux gencives édentées...
Une pomme toute prête à consommer sous l'arbre. Comme à mettre en dessert de table. Avec quelques noix , un camembert bien fait sur un quignon de pain pas trop frais, qui résiste à la lame qui étale, le tout acompagné de ce vin de bacho qui supporte son triple volume d'eau sans perdre de couleur.
Des pommes à profiter en saison, qui ne se gardaient que peu de temps. L'abondance de leur jus les rendaient périssables.
Pelucheux à souhait, nos coings sont nés d'une boulure de cognassier transplantée du verger des parents, en face de notre maison dans le jardin. J'en ai fait une compote hier : je préfére celle de pommes.
Un voisin raffole de gelée. Il prend ce dont il a besoin, nous remercie de quelques pots.
Trop je pense, quand on sait le prix du sucre qu'il lui faut...
Michelle a ouvert le dernier de la récolte 2006 ce midi.Un pot de près d'un kilo de gelée sous sa couche protectrice de parafine.