Les deux chevaux de mon oncle 4/4
Les lapins privés d'amours
Quand j'étais petit, je n'étais pas grand.
Ici endimanchés, ma cousine et moi devions avoir onze ans,
A peu de chose près l'âge de quand on avait aidé ma tante à faire le castrage de ses lapins.
"Taper de la patte comme un lapin", "chaud lapin", la réputation de virilité de l'animal mâle n'est pas usurpée. Sauf, pour en faire une viande tendre et généreuse, à le castrer.
Une fois durant les vacances d’été, ma tante avait à « s’occuper » de la virilité des jeunes lapins qui s’ébattaient dans la paille de l’enclos fait de planches de bois blanc dans l’écurie des chevaux (Ecurie des chevaux, étable des vaches, bergerie des moutons, poulailler des volailles, clapier des lapins et pourquoi pas pigeonnier des pigeons pendant que j’y suis… ? Pléonasmes… ? Et alors ! Ca peut arriver, non ? La preuve !)
Elle commençait par installer des barrages pour diviser l’enclos en trois, poussait tous les lapins jusque là mélangés, garçons et filles non encore pubères, dans l’espace le plus grand. Assise sur un tabouret à traire à trois pieds, le grand tablier de toile sur les genoux, la paire de vieux ciseaux en main, elle commençait par devoir nous attendre un peu. Pas longtemps, on n’était pas là pour s’amuser. Juste le temps qu’il fallait à deux gamins pour attraper un premier lapin qui refusait le plus souvent de participer.
Ce jour-là, ma cousine et moi, on était de la fête. A nous de présenter les lapins blancs par les oreilles à la tante, verticalement et de dos. Pas pour qu’il ne voit pas les ciseaux, non, juste que c’était plus facile pour elle de les rabattre sur le tablier du bon côté et de les maintenir d’un bras ferme pour ne pas se faire griffer. Tout à sa merci, ils ne leur restaient qu’à se laisser écarter les poils de l’entre pattes arrière pour décliner leur appartenance sexuelle : ablation ou pas, là était la question.
La réponse dépendait des attributs mis à nu, qui n’étaient pas sexes d’anges.
Les vierges blanches aussitôt rejetées dans l’une des deux surfaces disponibles, les émasculés blessés dans l’autre.
Chacun notre tour, ma cousine et moi, venions offrir à ma tante un nouveau lapin de dos, qui subissait illico l'examen gynécologique pré-chirurgical. Pas d'anésthésie, d'anti-douleur, de psy, ni d'antiseptie, ma tante opérait à vif sans laisser au patient le temps d'avoir peur et apparemment sans trop le faire souffrir : sitôt aterri du bon côté de l'enclos, il reprenait ses occupations de façon qui semblait naturelle...
Pour ce qui est des ciseaux, j'ai dit qu'ils étaient vieux, c'est vrai. J'ajoute quand même qu'ils étaient entretenus : l’oncle les avait repassés sur la meule à eau quelques jours avant, en même temps que les couteaux de la cuisine. Je le sais, c’est moi qui tournais la manivelle de la meule.
à suivre...