Kleenex en main...
Les roses blanches
Comme les chantait ma Maman
Elle avait un joli filet de voix, ma mère. Elle et une de ses sœurs ne manquaient jamais, au dessert d’un repas de mariage, de nous offrir de les écouter. Elles chantaient des chansons de leur temps, le temps d’entre les deux guerres : « Parlez-moi d’amour » immortalisé en 1930 par Lucienne Boyer, « Les roses blanches » avec lesquelles Berthe Sylva, dès 1926, avait tant fait pleurer dans les chaumières…
Mais entrez donc, je vous laisse là, sur le pas de la porte alors qu’on est si bien à l’intérieur: vous arrivez à la fin du repas. Les desserts sont desservis, les hommes ont sorti leur tabac gris, qu’ils roulent dans leur papier « zig-zag » ou « riz la croix », ou qu’ils enfournent dans leur pipe. Certains s’appliquent à couper le bout de leur cigare de jour de fête qu’ils tiennent de leurs gros doigts boudinés de charretiers…
Les verres à goutte attendent qu’on serve le café…
A la demande générale : « Une chanson ! Une chanson ! Une chanson !... » ma Maman vient de se lever.
Préparez vos mouchoirs, la magie peut encore opérer :
C’était un gamin, un gosse de Paris,
Pour famille il n’avait qu’sa mère,
Une pauvre fille aux grands yeux rougis
Par les chagrins et la misère
Elle aimait les fleurs, les roses surtout,
Et le cher bambin tous les dimanches
Lui apportait de belles roses blanches,
Au lieu d’acheter des joujoux.
La câlinant bien tendrement,
Il disait en les lui donnant :
C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman,
Voici des roses blanches, toi qui les aimes tant.
Va quand je serai grand, j’achèterai au marchand
Toutes ses roses blanches, pour toi jolie maman.
Au printemps dernier, le destin brutal
Vint frapper la blonde ouvrière :
Elle tomba malade et pour l’hôpital,
Le gamin vit partir sa mère.
Un matin d’avril parmi les promeneurs,
N’ayant plus un sou dans sa poche,
Sur un marché tout tremblant le pauvre mioche
Furtivement vola des fleurs.
La marchande l’ayant surpris,
En baissant la tête il lui dit :
C’est aujourd’hui dimanche et j’allais voir maman.
J’ai pris ces roses blanches, elle les aime tant,
Sur son petit lit blanc, là-bas elle m’attend.
J’ai pris ces roses blanches, pour ma jolie maman.
La marchande émue, doucement lui dit :
« Emporte-les, je te les donne»
Elle l’embrassa et l’enfant partit,
Tout rayonnant qu’on lui pardonne.
Puis à l’hôpital il vint en courant,
Pour offrir les fleurs à sa mère.
Mais en le voyant, une infirmière
Tout bas luis dit : « tu n’as plus de maman. »
Et le gamin s’agenouillant dit
Devant le petit lit blanc :
C’est aujourd’hui dimanche, tiens ma jolie maman,
Voici des roses blanches, toi qui les aimais tant.
Et quand tu t’en iras, au grand jardin là-bas,
Toutes ces roses blanches, tu les emporteras.
Paroles de C-L Pothier, musique de L.Raiter