Le corbillard de mon enfance
Bonne fête à nos Saints défunts
Le 28 octobre 1996, Micheline, (voir le lien, Micheline84) a écrit un poême "d'humeur" qui m'a rappelé; à la veille de fêter nos morts, les enterrements d'autrefois dans mon village.
A l'age de l'enfance de Brassens, chez moi, quand un plus vieux ou un trop jeune venait à trépasser, on sortait le corbillard. Il avait son espace de rangement sous la halle, derrière la scène de la salle des fêtes. On attelait le cheval qu'on caparaçonnait des attributs de sa charge, et tous derrière, on s'acheminait au cimetière d'un pas de sénateur.
Tous ? Pas tout à fait ! Devant, il y avait le curé et ses deux enfants de choeur, tout caparaçonnés pareil que le cheval, mais d'habits plus lumineux . Derrière le trio de tête venaient le cheval et le défunt, allongé les pieds devant dans le fond du corbillard, son cercueil recouvert d'un catafalque. Et tout de suite après, les proches, marchant de front, tout en noir, les femmes masquées par des voilettes.
Et enfin les autres, tout le village ou presque. Un au moins par famille, ou par communeauté, qui parlaient de choses et d'autres. Pas beaucoup du mort. Plutôt de leurs affaires. De petits riens. Pas toujours innocents. C'était finaud un paysan en habit du dimanche... Deux pouvaient se retrouver chez le notaire pour signer un accord après un enterrement.
Ca leur était facile de parler en marchant sans rien avoir à faire d'autre que de suivre les autres jusqu'à leurs cimetières à tous.
Certains pronostiquait sur qui pourrait être le suivant qu'on suivrait... "C'est la vie", qu'ils disaient. Et la vraie justice : "Y a pas de passe droit... qu'on soit riche ou qu'on soit pauvre, tout le monde y passe...!
Après la cérémonie, la famille invitait. A la maison ou au bistrot. On buvait du vin blanc, du café, avec des petits gâteaux. S'il y avait des enfants, on leur offrait de l'eau, avec du sirop. C'était souvent de la grenadine.
Pour la Toussaint, avec ma mère, on "faisait nos cimetières". On déposait des fleurs sur nos disparus. En vases ou en pots. Des fleurs du jardin. Qu'ils avaient connus. Pas des potées superbes comme celles d'aujourd'hui, à qui il ne manque que de mettre les prix dessus pour affirmer sa générosité...
C'est beau aujourd'hui, nos cimetières de Toussaint...! On n'a plus d'herbe dans les allées. Plus de pissenlits. Ils sont traités à l'herboxy. Au diable les morts qui auraient encore faim, c'est l'apparence qui compte. Et puis, l'herboxy ou le roundop, ça n'est que du chimique, qui peut leur rappeler le goût des aliments qu'on leur a fait manger de leur vivant...