Hommage à une maman défunte
Le Cahier (v/en colonne de droite)
Dans le récit qu'elle nous fait de sa jeunesse, (1897/1915) ma mère nous évoque la condition de vie modeste de ses parents. Et du bonheur, certes non dénué de rudesse, qu'ils ont su offrir, sans aide, à leur progéniture : cinq filles et deux garçons.
Des gens sans richesses autres que celle du coeur. Qui inculquaient à leur descendance le sens de l'honneur. Lui intimant de marcher tête haute, affirmant, convaincus : "Que l'on doit être fier de sa pauvreté..."
Elle conclue son "Cahier" d'une phrase : "Je dis à mes enfants, soyez fiers de vos grands-parents, c'étaient de braves gens..."
Je lui renvoie le compliment
Hier encore...!
Hier encore, j'avais vingt ans,
Je regardais le monde
Comme un non évènement,
Je regardais les gens
Mais ne les voyais pas.
Trop occupé de moi
De demain qui m'attend
Hier encore j'avais vingt ans,
Invincible éternel
Je préparais mon âge
Insouciant du détail :
"N'être que de passage".
De village en village
Le jour de la Toussaint
De tombes en cimetières
Je promenais ma mère
Dans ma vieille deux chevaux
Remplie de chrysanthèmes
De bouquets de dalhias
Cultivés sur l'année
Dans notre potager
Elle déposait ses fleurs
Témoignait le respect
A des gens qui étaient morts
...d'être nés avant elle
Ou à de pauvres autres
Comme ses deux frères appelés
Nés au mauvais moment
Victimes de la guerre
Tombés au champ d'honneur
Avant d'avoir vécu...
Aujourd'hui sans mérite
Je lui achète un pot
Comme un dû sans émoi
Une pièce de monnaie
L'aumône de conscience
Pour un esprit en paix
Sans effort de bouture
De culture de nature
De taille ni de fumure
Je n'en suis pas très fier.
Hier encore, j'avais vingt ans
Je les sais toujours là
Derrière les cinquante autres
Qui témoignent à ma mère
Qu'il reste "d'elle" sur terre
L'image dont ses enfants
Ont toujours été fiers
Hier encore j'avais vingt ans
Mes trois frères sont partis
Au pays de ma mère.
Un jour bientôt je sais
Moi le petit dernier
Sans solliciter d'aide
Ni de prolongations,
Juste heureux d'être né,
J'irai la retrouver
Hier encore...:
Merci Maman !
André Thiennot,
réellement à Piney,
de retour du cimetière
le 2 novembre 2007