Quand la coiffeuse remplace le coiffeur
La mue de mon coiffeur.
Avant de partir en vacances, j’ai voulu, comme d’habitude, me faire couper les cheveux chez mon coiffeur. Vous savez, celui qui nous a raconté l’élevage de volailles sur une plage du Sénégal
Fut un temps, je profitais des vacances pour aller m’asseoir dans leur fauteuil à bascule, tête en arrière pour le massage du crâne, tête droite pour la symétrie de la coupe.
J’allais dans n’importe quel salon et avec n’importe quel coiffeur. La coquetterie n’a jamais été mon fort et mes cheveux n’ont jamais fait assez d’efforts pour mériter que j’en sois fier. A tel point que, dès franchi l’âge délicat de l’adolescence, j’ai décidé d’ignorer ces ingrats qui ne faisaient rien pour que les filles tournent la tête.
J’ai quand même besoin d’un minimum, dans un salon, pour me sentir « chez moi ». La mixité ne me gêne pas : j’épie les métamorphoses du coin de l’œil, j’entends, sans avoir à l’écouter, le verbiage léger de cage d’oiseaux bavards… mais j’apprécie que l’on me raccourcisse la toison sans le zèle dont une chevelure féminine ne saurait se passer. En fait, si je vais chez le « coiffeur », ça n’est que parce que le métier de « coupeur de cheveux » n’est pas au dictionnaire.
Mon figaro habituel a les ciseaux agiles, et précis. On se connaît, on parle quand on a quelque chose à se dire. Il sait de quel côté je fais ma raie, la longueur à laisser au niveau des oreilles, le dégradé de la nuque… En fait, il fait comme il sait : c’est son métier. Chez lui, je joue le patient à qui on coupe les cheveux, le rôle me suffit...
Ailleurs, j’ai souffert du petit jeune qui s’applique à vous plaire. Qui voudrait faire mieux encore que le jour de l’examen. Qui vous démontre ce que vous devriez faire pour être mieux coiffé… à qui je me suis retenu de demander de me couper les cheveux sans me casser les pieds... Ca n’est plus à leur âge que l’on apprend à des cheveux entêtés comment ils devraient se tenir.
Avant de partir en vacances, je suis donc allé voir mon coiffeur attitré. Prise de rendez-vous par téléphone, une voix féminine que je ne connais pas, sa nouvelle stagiaire sans doute. (Ici, je fais une parenthèse : c’est fou le nombre d’apprenties qui défilent dans les salons de coiffure…)
Surprise dès la porte poussée : une stagiaire est bien là, mais mon coiffeur a visiblement mué. Cheveux longs (lui que je connaissais roux-chauve) et voix fluette, mon coiffeur est devenu coiffeuse. Qui est en retard alors que ma borne de parking est alimentée pour le temps normal d’une coupe que l’on démarre à l’heure.
Mauvais début…
Un peu déçu aussi de devoir confier ma tête de tous les jours à une nouvelle qui ne la connaît pas.
Je vais pourtant faire contre mauvaise fortune bon cœur : il n’y a pas tout à fait « que » la coupe que j’espère d’un coiffeur. Fut-il « coiffeuse », j’attends qu’il me raconte une histoire qui mérite que je vous la raconte à mon tour.
Sait-on jamais, une coiffeuse qui ne coiffe que les hommes, ça doit bien avoir un regard différent sur les choses et les gens...?
La pas-de-porte et l'achalandage rachetée n'est pas bien jeune. Déjà, un client , (bien plus âgé que moi) lui a fait savoir, feignant d'être gâteux, qu'il pouvait lui parler de la guerre de 14/18 en détail... mais qu'elle devait éviter de lui demander ce qu'il avait fait la veille.
Les mots d'un homme à son coiffeur aussi sont différents lorsqu'il s'agit d'une coiffeuse.