L'année de quand je suis devenu "apprenti ouvrier en jouets"...1/4

Publié le par aben

Les mains d'or
(Bernard Lavillers en hommage au métier manuel de son père)

Le jouet, déjà, comme métier, ça fait pas très sérieux. Ouvrier, pas bien riche et apprenti, pas très savant...
Il faut bien commencer par quelque chose dans la vie et ouvrier en jouets c'est quand même moins traumatisant que fabricant de canons... Non ?
Je venais d'avoir mon certif. Un certificat de fin d'études, primaires et campagnardes il est vrai, mais quand même, avec mention. La troisième circonscription administrative de l'Aube, celle de Bar-surAube m'avait classé premier, ce qui avait fait bien plaisir à mon père. Bar-sur-Aube était déjà une ville à trottoirs dans toutes les rues, tandis que chez nous, seule la route nationale qui traversait le village en était équipée.
Mes trois aînés, tous garçons, étaient passés  étudiants. Collège,  Ecole Normale... Moi pas. Normal, j'étais le petit dernier que notre père attendait pour que la boutique continue quand lui ne pourrait plus.

Passé le certif, on m'avait encore laissé  les vacances scolaires d'été, que je passais depuis toujours chez mon oncle du Prieuré.
On avait pensé que, pendant la guerre, je serais plus à l'abri - et mieux nourri - dans une ferme isolée qu'au milieu du village qui était chef lieu de canton. Chez nous, on avait une voie de chemin de fer, une gare, des résistants français et des soldats allemands... Détonnant, non ? Et aussi mes parents qui n'étaient pas fermiers tandis que mes oncle et tante, si..
Au Prieuré, ils avaient des champs et des volailles, des poules et des lapins, des vaches à lait et deux chevaux, Gamin et Mignonne. Avec ça, on pouvait mieux nourrir un gosse qui n'était pas plus épais que s'il venait de la ville.   
Et aussi, au Prieuré, il y avait ma cousine Janine qui avait quasi mon âge, et qui faisait les petits travaux avec moi. On jouait aussi ensemble, mieux qu'avec mes aînés garçons futurs savants qui étaient à la maison.

Le premier octobre, ça avait été la rentrée. Pas la rentrée scolaire, pour moi, c'était fini. Ma première rentrée dans l'atelier de mon père, pour apprendre à travailler.
Je dis "rentrée", comme si j'en étais sorti avant, mais non. Je faisais mon entrée dans le monde du travail, je n'avais pas l'intention d'en sortir juste pour pouvoir y rentrer.

On avait tout préparé pour mon arrivée. Comme pour celles des autres qui s'étaient fait inscrire. Le livret d'apprentissage, délivré par le Maire, le contrat qui prévoyait mon salaire et le temps qu'il faudrait pour que je devienne "ouvrier".
Le contrat était de trois ans, signé des deux parties. L'apprenti mineur étant représenté par ses parents, le nom de mon père se trouvait paraphé des deux côté, avec deux fois le même prénom : Emile (Moi, c'est André, je vous dirai un jour pourquoi). 
Le contrat était de trois ans, je l'ai dit. J'en avais quatorze, je serais un homme à dix-sept ans, j'étais content.
Les trois premiers mois, on me donnerait dix pour cent du salaire minimum de l'époque. Ca faisait déjà pas mal d'argent vu que je resterais nourri logé chez mes parents. Après on m'en donnerait de plus en plus, jusqu'à gagner le SMIG dès le premier mois qui suivrait les trois ans.
Je ferais ce que je veux de mon argent, enfin, ce que je veux... mais qui soit raisonable.
On m'a fourni un tablier de tonnelier, pour protéger mes culottes courtes et le devant de ma chemisette, avec la poche devant pour les outils. J'avais une pince coupante qu'on appelait tenaille, deux pinces rondes pour boucler les extrémités coupées de la corde à piano, une alène et un poinçon...

                                                                               A suivre

Publié dans Témoignage

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L
ben on attend la suite , tu nous fait languir mon bon dédé
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L
problème avec OB....
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M
Ce fut certainement un grand jour dans ta vie d'adolescent !<br /> Bonne journée
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L
Bien belle histoire....c'était un beau début de carrière..<br />  <br /> ly
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L
quand il y en a pou l'un y a pou l'autre
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