Moi et mon premier Amour
Suite des "moi, n° 7 sur 13 (demain il faudrait que j’accélère, ça commence à faire long ! Non... ?)
Bonne fête à toutes les Grands Mères de nos premières amours
Avril passé, le joli mois de mai s’était présenté tout juste à temps : le premier jour du mois.
C’était un jour de printemps, comme le seraient tous les autres jours du mois.
Celui-là était venteux : « Fais ce qu’il te plaît » me sifflait le vent dans les branches.
J’avais douze ans peut-être, ou un peu plus, ou un peu moins, mais à peu près.
A deux pas du village, dans une toute petite forêt que l’on appelait un bois, de chênes et de charmes, de noisetiers et de bouleaux, d’allées et de ruisseaux, on avait l’habitude, les enfants, d’aller quérir les brins qui sentent bon pour les vendre le soir dans les maisons, en bouquets.
J’étais avec une de mes nièces, celle qui s’appelle Julie, d’un an seulement moins âgée que moi. Accompagnée d’une copine, que je ne connaissais pas.
Les deux marchant devant, Monique, la copine, chantant à tue-tête « Vive le vent, vive le vent… » Tandis que ses boucles brunes, grisées par le gros temps, animait tout autour de sa tête, une auréole vivante et capricieuse.
C’était juste après la guerre : je devais vraiment être minot, je n’avais pas douze ans, mais dix tout au plus : j’avais aux pieds des nus pieds à semelles de bois fabriqués par mon père, l’empeigne de bandes de cuir clouée dans la rainure par notre voisin bourrelier. Né en 35, pour moi, les semelles de bois, ça m’évoque 45… ?
La lanière du talon m’avait blessé, une ampoule s’était formée, avait gonflé, puis crevé. La peau s’était arrachée, laissant à nue la blessure.
« Vive le vent, vive le vent… »
- Alors tu viens ?
Et ça riait devant. Et ça chantait tandis que je me traînais en essayant de faire bonne figure.
- Qu est ce que c’est douillet les garçons.
Ca, s’était ma nièce. Sa copine (dire « Monique » m’aurait été difficile, ma voix aurait tremblé) regardait mon pied, puis moi, semblait chercher sur ma figure les marques de ma douleur. Elle avait l’air de compatir, sincèrement. Jusqu’à ce qu’elle reparte en avant du pas de « Vive le vent, vive le vent, vive le vent d’hiver, qui s’en va sifflant soufflant, dans les grands sapins verts…. »
Je sais, ça n’était pas de saison, mais c’est ce qu’elle chantait en balançant la tête pour encore davantage faire bouger ses cheveux.
Les jours qui ont suivi, on s’est croisés, quelquefois, dans le village. De loin. Pas sur le même trottoir. Ou pas seuls. Elle ou moi avec un parent, un copain, une copine. Sans se voir. Sauf que j’avais l’œil en coin et que je l’entendais des fois rire…
Je n’ai pas osé demander à Julie si elles avaient d’autres sorties en projet. J’ai eu trop peur qu’elle s’aperçoive de mon émoi et qu’elle en parle pour qu’on se moque de moi.
« Vive le vent… vive le vent...»
Comme un ouragan, qui passait par là, Monique s'est envolée avec le vent, laissant place pour un autre premier Amour.
Un amour à mes côtés depuis si longtemps. Sûr que s'ils y pensent, nos petits enfants, demain, vont lui souhaiter sa fête.